de Lestat » Ven 27 Juil 2012, 23:47
"The Dark Knight rises" ou comment Nolan avait un gros calibre braqué sur son entre-jambe avec comme obligation de réussir à nous surprendre de nouveau...
En ce sens le film est une déception puisqu'il n'arrive jamais à retrouver la virtuosité d'écriture de "The Dark Knight" et son rythme crescendo infernal. TDKR souffre vraiment de systématismes de mise en scène que commence à avoir Nolan (notamment les nombreux travelling aérien sur Gotham qui font office de transition entre deux scènes), systématismes qui alourdissent souvent une réalisation par ailleurs sans génie. Loin de là l'idée de dire que le film est mal réalisé, bien au contraire, mais la composition des cadrage tout comme les mouvements de caméra sont souvent très académiques et le tout souffre d'un manque de folie, de fluidité, de tentatives nouvelles de mise en scène qui pourtant auraient été les bienvenues dans la conclusion d'une licence dans laquelle on aurait pensé Nolan enfin assez à l'aise pour tenter des choses.
Le tout début (l'avion) est pourtant plutôt intriguant, voire enthousiasmant: décor champêtre, tension omniprésente (même si l'effet de twist via l'identité des hommes cagoulés ne fonctionne pas tant c'est attendu, c'est d'ailleurs sûrement le plus gros problème du film: l'envie incessante de surprendre le spectateur et son incapacité à y arriver), s'en suit une scène d'action ambitieuse (même si la spatialisation de l'action demeure un peu douteuse) mais qui au final ne reflétera jamais le reste du film et se posera comme l'introduction obligé d'un blockbuster qui par peur de tout de suite prendre son temps s'est senti obligé d'en foutre plein la tronche dès le début et ce de manière un peu inutile.
Le film souffre de ce fait de petits problèmes de rythme qui lasseront les moins patients (2/3 dialogues pour 1/3 d'action sur les deux premières heures avant de laisser place aux attendues cinquante dernières minutes d'explosion et de démesure).
Démesure, un mot qui sied d'ailleurs plutôt bien à l'ensemble. Des musiques (parfois trop intrusives et manquants de cohérences) aux scènes d'action tout y est tapageur (à l'instar de cette fameuse scène de football américain hallucinante mais finalement assez inutile du point de vue scénaristique, ce qui est d'autant plus frappant lorsqu'on se rend compte que la scène qui suit, celle de Blake se rendant en panique à l'hôpital, marche dix fois mieux dans la tension et le spectaculaire). A trop vouloir en faire on finit parfois par rater ses effets.
Le film n'est au final jamais aussi bon que lorsqu'il arrête de verser dans l'énorme. La première apparition de Selina Kyle (où d'ailleurs le Bruce affaiblit m'a fait furieusement pensé à celui de Beyond) est jouissive tant le personnage est proche de celui du comics: sexy, provocatrice, intelligente et acrobate. (A noter d'ailleurs le somptueux thème au piano qui l'accompagne). Ici pas d'explosion ou autres, seulement Nolan laissant jouer deux excellents acteurs.
De manière générale le casting est d'ailleurs brillant: la somptueuse Anne Hathaway est à se damner et Hardy joue avec sa voix pour compenser le fait que le masque (assez moche au demeurant) cache la moitié de son visage. Les habitués (Bale, Oldman, Caine,...) demeurent très bons et la direction d'acteur de Nolan ne souffre aucun défaut, voilà bien un reproche qu'on ne pourra pas lui faire (Seule Cotillard joue comme une quiche).
Au final j'ai beaucoup aimé. Un peu déconcerté, désabusé parfois d'assister à cette envie permanente d'en foutre plein la gueule (dans cette idée la course poursuite finale n'égale jamais en efficacité celle du second opus lors du transfert de Dent) mais souvent les yeux rivés à l'écran, le souffle court devant de somptueux moments d'héroïsme: citons en vrac l'ascension de la prison, Blake portant secours à Gordon dans l'hôpital, la traversée des égouts avec le duo Batman/Catwoman, le sacrifice final, le retour public de Batman.
A noter d'ailleurs que le super-héros redevient pendant quelques scènes ce qu'il était dans Batman Begins: poseur, prédateur, dans l'ombre. Seules les scènes de combat demeurent un problème, Nolan a clairement un souci avec les corps et est plus à l'aise dès qu'il s'agit de tension psychologique, d'affrontement verbal. Le premier combat Batman/Bane est d'ailleurs plutôt décevant car manquant d'ampleur, la réalisation échouant à retranscrire la violence des coups que s'envoient les deux personnages (même la fameuse posture finale et le coup de genou destructeur qui s'en suit manquent de puissance). Le combat final s'en sort bien mieux et donne à voir deux dieux parmi les hommes, deux sur-hommes qui s'affrontent au milieu d'une guerre où aucun autre n'est à leur niveau.
Je ne sais pas si au final j'ai autant aimé le film parce qu'il était plus proche des personnages du comics ou parce qu'il donnait à voir un film de flics formidable, où les héros ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Gordon-Lewitt livre une performance géniale et le recentrage dans la seconde partie sur la police de Gotham était vraiment salutaire tant Nolan semblait ne plus savoir trop quoi dire sur le personnage de Batman.
Pour terminer, le final m'a paru un peu moins réussi. On sent clairement le passage obligé, l'envie de satisfaire le fan en glissant plusieurs clins d'oeil (dont celui sur le vrai prénom de Blake, plutôt maladroit), l'envie de conclure une trilogie dense (Nolan réussit d'ailleurs l'exploit de faire de nombreux liens avec les deux premiers films et ceci de manière très subtile),... Il y réussit partiellement mais ne va pas au bout de ce qui semblait pourtant inéluctable (la scène à Florence est très belle mais annule totalement l'émotion que pouvait susciter la scène précédente).
J'ai aimé ce film et je le préférerai mille fois à un "The Avengers" parce qu'à l'inverse du film de Marvel il y a ici des enjeux, une vraie tension et pas l'impression que sauver le monde c'est comme partir en soirée un peu éméchée en lâchant trois vannes et en se faisant l'accolade.
Un film qui enfoncera définitivement le clou pour les détracteurs de Nolan mais qui, mine de rien, conclue brillamment une trilogie qui laissera durablement une empreinte forte dans l'histoire du cinéma d'action américain. Courage à celui qui va devoir passer derrière et rebooter tout ça...