Mais c'est un cadavre que tu déterres là !
C'est pas faux, ce que tu dis. En fait, je le dirai d'une façon encore plus simple mais aussi plus exhaustive : les mangas se vendent bien parce que c'est de la BD populaire, comparé à la BD franco-belge plus élitiste. Mais ça mérite d'être approfondi.
Les mangas sont moins chers, donc plus accessibles aux petites bourses, et le rapport quantité/prix est souvent supérieur au franco-belge (pour la qualité, c'est moins évident d'un côté comme de l'autre, mais ce n'est pas le sujet). Un manga coûte en moyenne à peu près la moitié d'un album franco-belge. Toujours dans les moyennes, un manga compte 128 pages contre 48 pour un album franco-belge.
Le problème vient de la non-remise en question des décideurs. Plutôt que de se dire "Mais c'est vrai ! Pourquoi on continue à perdre des jeunes en sortant des albums cartonnés 48 pages qui coûtent la peau des fesses ?", ils préfèrent se dire : "On va leur prouver que le bel album est la seule forme de bande dessinée digne et on va faire semblant de s'intéresser aux jeunes en sortant des albums moins chers et avec moins de pages".
Du coup, on se retrouve avec des albums cartonnés de 32 pages (la VF de Polly et les pirates, par exemple) coûtant cher, tandis que de plus en plus d'éditeurs font dans le manga afin de reconquérir un public perdu.
Mais il y a manga et manga : d'un côté, on a la bande dessinée japonaise avec des thèmes variés et une ambiance particulière, et de l'autre, on a des traits caricaturaux et un dessin à l'économie. Bien évidemment, c'est cette dernière qu'on appelle communément l'inspiration manga (aussi appelée inspiration Cartoon Network), la même qu'on retrouve dans les tentatives de manganisation de Marvel et dans beaucoup de dessins animés.
Cependant, revenons à la "menace manga" : est-elle réelle ?
On peut considérer que c'est un argument brandi par le conglomérat franco-belge désireux de conserver la qualité de sa bande dessinée face à des envahisseurs débiles, interchangeables et fabriqués à la chaîne. Bien entendu, eux ne font pas ça, naturellement : ils ne sortent pas des centaines BD de blagues populaires faites par des anonymes, bien sûr que non, ils sont intègres.
Dans le même ordre d'idées, on peut transposer la situation aux USA, où les éditeurs râlent parce que les comics ne vendent plus et que les mangas s'arrachent alors que c'est débile et fabriqué à la chaîne : bien sûr, ces éditeurs ont tout fait pour garder le marché accessible à tous sans pour autant l'inonder, et avec de la BD d'auteur.
En gros, les USA ont fait la même erreur que la France : ils se sont retirés des kiosques, et visent maintenant plus que jamais le marché librairie, sans pour autant remettre en question leur propre façon de faire de la BD, la rendant plus chère et moins attractive que les mangas. Les USA continuent les fascicules périodiques vendus à 4 dollars uniquement en comic-shops (et y'en a pas énormément), tandis que la France continue à sortir un standard d'album de 48 pages cartonné vendu entre 9€ et 15€ (mais autant trouvables que les mangas).
Bien entendu, de tous côtés, on trouve toujours des auteurs ou éditeurs qui font tout pour rendre leurs BD originales, attractives et pas trop chères, mais ce n'est pas la majorité.