**** ATTENTION ! Spoilers possibles sur : Batman Begins, Casino Royale et Superman Returns ! ****
J’ai l’impression qu’une certaine tendance a été amorcée ces dernières années dans le cinéma américain. Alors qu’il s’est contenté pendant longtemps de l’illustration des grands mythes, beaucoup des derniers films en date ont fortement tendance à la démythification qu’à autre chose. On se donne des alibis historiques pour filmer le « Roi Arthur », on enlève toute intervention surnaturelle de la guerre de « Troie », on se moque des contes de fées dans « Shrek » (bien que ce soit en fin de compte un conte de fée aussi lisse que ceux qu’il prétend détourner). Certains films suivent le mouvement inverse (« 300 » ou « Pirates des Caraïbes 1 et 2 » me viennent en tête) mais ils sont peu nombreux. On croirait à une volonté forcenée de ramener de l’humain à tout prix là où il n’y en avait pas, ou peu, de rendre le mythe plus « ordinaire » et fade.
Les super-héros n’échappent pas à la règle. Certains n’ont pas spécialement besoin d’être humanisés pour le cinéma, les héros Marvel en particulier. Trois héros en particulier subissent à mon avis cette tendance, avec plus ou moins de bonheur : Batman, James Bond, et Superman. Pour deux d’entre eux, cela signifie retourner en arrière à leurs débuts. Pour le dernier cela donne une prolongation plutôt bancale.
Ca paraissait tellement évident… que ça n’avait pas été fait. Raconter les origines de Batman. Du moins en « live ». « Batman contre le Fantôme Masqué » était déjà passé par là avec brio, nous racontant les racines du mythe. Mais là où le film de l’équipe de Bruce Timm nous montre un Bruce Wayne volontaire, positif et déterminé dans sa volonté de devenir Batman, celui de « Batman Begins » est en proie au doute. C’est un homme en perdition au début du film, se mesurant « physiquement » au banditisme à corps perdu. Allant, en somme, droit au suicide. Rarement on aura vu personnage plus humain dans son cheminement, jusqu’à sa métamorphose en justicier, et en légende, en « plus qu’humain ». Rachel Dawes le dit elle-même, quand elle affirme que Bruce Wayne, celui qu’elle a connu, n’est jamais revenu de son voyage. Là sera le véritable challenge de « Dark Knight ». Tout n’a-t-il pas été dit dans « Batman Begins » sur l’humain Wayne ?
« Casino Royale » revient quant à lui sur les débuts de James Bond, et offre une explication possible sur l’origine de son inhumanité. Une trahison, la trahison d’une femme, forcément, comme si toutes celles qui devaient suivre devaient « payer » pour elle. « The bitch is dead » sera son seul commentaire quand celle qu’il aura aimée mourra. On peut se demander si le « mythe » nécessitait réellement une telle remise à zéro de surface, quand ce « réalisme » s’accompagne des cascades toujours aussi impossibles et extravagantes chères à la série. Là encore, où aller ensuite ? Le dernier plan le montre, icône pleinement réalisée, dans le smoking traditionnel. La réponse au prochain épisode, si j’arrive à passer outre la répugnance que m’occasionne l’interprète principal (il en va de James Bond comme des autres super-héros, j’aime quand l’interprète ressemble au rôle, et pour moi un orang-outan blondinet coiffé en hérisson dans un smoking a du mal à faire « James Bond »).
Passons au cas épineux de « Superman Returns », ou comment affadir un mythe en prétendant l’humaniser. Contrairement à Batman, qui n’a besoin de personne pour exister, Superman nécessite un ancrage humain, autrement il n’est qu’un demi-dieu déshumanisé (comme Thor peut l’être parfois chez Marvel). Maintenant, il est clair que dans « Superman Returns », Bryan Singer force la dose dans sa volonté de montrer que Superman n’est qu’un humain comme un autre. Et je dis bien Superman, Clark Kent est totalement absent du film et n’y tient aucun rôle. Il fait ainsi de Superman un amoureux transi (alors que c’est lui qui est parti cinq ans sans prévenir personne, le prémisse totalement stupide du scénario), un voyeur (il espionne aux rayons X la vie de Lois Lane quand même, quelle différence avec un type qui poserait des micros chez son ex ?), un briseur de couple potentiel (faisant une balade romantique avec une Lois qu’il sait engagée avec quelqu’un d’autre), et quelqu’un de finalement bien moins courageux que le fils de Perry White, qui lui se lance dans le danger pour sauver ses proches sans super-pouvoirs. La honte pour le dernier fils de Krypton. Lois n’est guère épargnée d’ailleurs, reporter de pointe qui pousse l’irresponsabilité jusqu’à entrer par effraction dans une propriété privée, un yacht en l’occurrence, avec son fils de cinq ans…
Tout cela aussi pour réaffirmer l’exploit qu’ont réalisé pendant des années Bruce Timm et ses équipes, prouvant par là même qu’on pouvait parfaitement illustrer des mythes avec profondeur et humanité sans pour cela avoir besoin d’en démonter les mécaniques.[/spoiler]